Angleterre : les défaites de l'équipe nationale accroissent-elles vraiment les violences conjugales ?

Publié le 13 juillet 2021 à 7h30
La ferveur et l'engouement des supporters mène parfois à de graves violences.
La ferveur et l'engouement des supporters mène parfois à de graves violences. - Source : NIKLAS HALLE'N / AFP

MENACES - Si la défaite en finale de l'Euro a déçu les fans de la sélection britannique, ses implications ne sont pas uniquement sportives. Des chercheurs ont mis en avant la multiplication des violences conjugales pendant de tels événements.

Au lendemain de la défaite des Anglais en finale de l'Euro de football, les analyses portent surtout sur les choix tactiques des entraineurs ou sur les performances individuelles des joueurs. Pourtant, en marge de la rencontre, des messages ont alerté sur une conséquence potentielle d'un échec de la sélection : la hausse des violences conjugales. Le message d'une internaute a particulièrement été relayée. Trois mots seulement : "This is crazy" (littéralement "c'est fou"), pour réagir à des données présentées sous forme d'une capture d'écran.

"Les cas de violences domestiques augmentent de 26% lorsque joue l'Angleterre", peut-on lire, "et de 38% lorsqu'elle perd". Une illustration présente quant à elle le visage d'une femme sur lequel coule du sang, formant une croix rappelant le rouge du drapeau anglais. Ces chiffres, bien qu'ils datent d'il y presque dix ans, proviennent d'une étude très sérieuse. Les chercheurs, par leurs travaux, ont mis en avant les risques accrus encourus dans leur très grande majorité par les femmes en marge des compétitions de football, et de sport en règle générale.

Un slogan qui interpelle

L'image du visage ensanglanté, tout comme les chiffres ici avancés, s'avèrent assez rapides à retrouver. Quelques recherches nous permettent d'observer qu'ils sont tirés d'une campagne de communication du Centre national britannique contre la violence domestique. Lancée à l'occasion de la Coupe du monde 2018, elle visait à alerter sur les risques accrus encourus par les femmes durant les grandes compétitions impliquant la sélection anglaise, tout en fournissant de ressources et contact pour venir en aide aux victimes. Le slogan marque les esprits : "Si l'Angleterre est battue, elle le sera aussi." 

D'où viennent les chiffres utilisés lors de cette campagne ? D'une étude publiée en 2013 par trois chercheurs outre-Manche, et qui visait à mettre en évidence un potentiel lien entre le visionnage à la télévision de compétitions internationales de football et une recrudescence des violences domestiques. Pour ce faire, les spécialistes se sont basés sur les incidents "signalés aux forces de police dans le nord-ouest de l'Angleterre lors de trois tournois distincts". À savoir la Coupe du monde 2002, 2006 et celle de 2010.

Les résultats mis en évidence sont ceux relayés sur les réseaux sociaux en marge de la finale contre l'Italie. "En examinant les rapports de violence domestique dans le Lancashire (un comté d'environ 1,5 million d'habitants dans le nord de l'Angleterre) [...] nous avons découvert une augmentation de 26 % des signalements de violence domestique lorsque l'Angleterre a gagné ou fait match nul, et un 38% d'augmentation lorsque l'Angleterre a perdu", rapportaient deux des auteurs en 2018. "Les rapports étaient également plus fréquents le week-end et ont atteint leur apogée lorsque l'Angleterre quittait le tournoi après une élimination."

S'ils ne veulent en aucun cas excuser ces violences, les chercheurs tentent d'en expliquer les ressorts. "La Coupe du monde", expliquent-ils, comme tout autre rendez-vous sportif majeur, "apporte avec elle des facteurs de stress émotionnels et situationnels, qui créent une tempête parfaite en ce qui concerne les incidents de violence domestique". Ils soulignent par ailleurs que "les supporters abordent chaque match avec une identité culturelle forte, ils intériorisent donc les victoires et les défaites". Parmi les facteurs aggravants, on peut noter la programmation d'une rencontre le weekend, mais aussi (sans surprise) la consommation d'alcool, qui font l'objet de multiples publicités durant ces compétitions. 

Le football n'est pas un cas isolé

Si le football est le sport numéro un dans de nombreux pays et qu'il s'accompagne d'une importante ferveur populaire, il ne s'agit pas d'un cas unique. Ni d'ailleurs que le problème est circonscrit à la seule Angleterre. Les chercheurs ont partagé les travaux de certains de leurs confrères, qui mettaient en avant une hausse de "10% des violences" chez les hommes envers leur compagne, lorsque leur équipe de cœur perdait un match dans le cadre de la Ligue nationale de football américain. 

En marge de la finale disputée dimanche soir à Wembley, il n'est pas surprenant d'avoir vu ressurgir les travaux menés sur ces sujets, a fortiori dans un contexte où l'équipe nationale anglaise venait de s'incliner. Outre un rappel de ces chiffres éloquents, des internautes ont utilisé les réseaux sociaux pour partager des contacts d'associations venant en aide aux victimes de violences domestiques. 

Consciente des risques encourus par les compagnes de certains supporters à l'issue de la rencontre, une Londonienne a passé ce weekend un appel sur Twitter, relayé plusieurs dizaines de milliers de fois. Elle a incité les femmes qui redoutaient subir des violences à la contacter afin qu'elles puissent quitter leur domicile et passer la soirée dans un endroit sûr. Encourageant les autres hébergeuses et hébergeurs potentiels à faire de même. Un acte de solidarité pas anodin dans un pays qui déplorait en 2019 des violences domestiques à l'encontre de 5,5% des adultes âgés de 16 à 74 ans. Soit pas moins de 2,3 millions de victimes.

Violences contre les femmes : recrudescence inquiétanteSource : JT 20h WE

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Thomas DESZPOT

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